L'Histoire

On m'appelle "le voyageur". J'existe depuis tant et tant d'années que tes semblables m'ont désignée par de multiples noms en d'innombrables endroits: On m'a appelée "Peintre" quand je décrivais le monde à même la pierre des grottes anciennes, on m'a surnommée "Le Grand" quand j'ai conquis et unifié le monde antique, on m'a qualifiée de Colon lorsque j'ai ouvert la voie des Mers de l'Ouest. Je suis "celui" qui part quand tu t'installes à peine, "celui" qui découvre quand tu balbuties tout juste tes leçons apprises par coeur, "celui" qui voit avant que tu n'ouvres les yeux, "celui" qui raconte alors que tu commences à entendre. On m'appelle "Le Voyageur" mais on pourrait aussi me décrire comme le "Découvreur" ou le "Précurseur". Il me semble parfois hurler chez les sourds ou écrire pour les aveugles mais jamais rien ne me décourage. Toujours, je continue, inlassablement, de parcourir des contrées étranges et encore invisibles aux yeux des communs. J'ai fait de notre Terre une petite planète et j'arpente dorénavant les mondes d'à côté. J'ai rapporté quantité d'informations de ces univers que tu crois encore merveilleux, mais surtout imaginaires...Jusqu'à ce qu'un jour, toi aussi, tu trouves les portes qui y mènent. Car ces contrées existent...

La découverte de Baldruk Suan figure parmi mes plus fabuleux et plus fascinants souvenirs. Laissez-moi vous conter ce voyage qui pris forme quand, plus jeune, mon corps, tout étendu, s'est endormi. Mais avant, promets-moi de ne pas douter de mon expérience, jure-moi que tu me feras confiance, car peut-être, au fond de toi, réside la réponse.

Lorsqu'il me fut permis d'ouvrir les yeux et de témoigner de cette obscurité qui avait englouti le monde de sa bouche béante, mon ouïe de vieil homme frémit à l'écoute du son d'une goutte dont la répétition entamait une rythmique qui laissait en proie à la sérénité de la solitude. L'Astre lunaire se présenta ensuite à moi, éclairant ce monde naissant qui s'étendait sous l'apparence d'une grande étendue d'eau me permettant tout de même d'avoir pied. Bien que la lune fut ravissante et pleine de clarté, on m'autorisa à poser un regard sur le visage sur l'initiatrice de l'univers qui prenait vie devant mes yeux. Car au bout de ce qu'on appellera presque un lac, s'était immobilisée une femme à la grâce sans égale mais sombrement vêtue. Ses cheveux étaient d'argent et rayonnaient sans lumière malgré la cape noire qui l'enveloppait. La honte m'envahit peu à peu cependant, car bien qu'observateur, je ne prêtais aucune attention à ses larmes nourrissaient l'étendue d'eau qui naissait devant moi. Celles-ci creusaient ses joues et rejoignaient le cour d'eau comme à ce qui d'apparence ressemblait à un circuit veineux ou à des cheveux mouillés. A tout avouer, cette femme de splendeur était plus belle que triste.

Fruit des ruisseaux qui s'écoulaient de ses yeux, et du reflet de la lumière intense et lunaire sur les remous de l'eau, naquit en premier une seconde silhouette de l'autre côté du lac avant que ne s'extirpent de celui-ci elfes et nymphes de l'eau qui se hissèrent bientôt sur la berge et s'empressèrent d'éveiller ceux de la terre.

Au loin, comme un enfant au pinceau malhabile, se dessinèrent l'horizon, les montagnes, et chantèrent en coeur les torrents, les rivières et les ruisseaux tandis que l'astre solaire apparut, sans éclipser la lune. Forêts, animaux et créatures s'animèrent et offraient à la terre un concert de vie qui aurait même mis les dieux à genoux.

C'est ainsi qu'une troisième femme sublime déambula à l'autre bout du lac. A chacun de ses pas fleurissaient et dansaient bourgeons et fleurs à ses pieds.


Des jours, que dis-je, des semaines passèrent durant leur méditation commune et dans la création de ce monde qui s'épanouissait dans une harmonie exemplaire et parfaite dont j'étais le témoin certes, singulièrement privilégié.

Les trois enfants de la lune chantaient autour du lac et bénissait cet univers qui baignait dans une exquise félicité.

Cependant, un jour moi-même je dus éveiller ma pensée pour traduire ce que mon coeur écoutait à travers leurs psaumes mélodieux. Si à son premier écoute je n'y avais guère prêté attention, les autres créatures peuplant le royaume furent quant à eux très attentifs, et il me fallut fouiller dans ma mémoire pour me souvenir de la source du terrible dénouement du destin de Baldruk Suan,...

" Soeur Lune, Soeur Lune, quand on prendra peur des prières,
Ne pleure pas, même si la brume révèlera les Démons sous la Terre;
D'où vient l'ennemi de la Déesse, apparaîtra soudain le Frère;
Dont le Chant de l'âme réveillera l'Aube de Lune par delà les mers;
Car bien que maître de l'univers, il aura la nature plus puissante que le fer"


Chaque chant, chaque prière des enfants de la déesse lunaire atteignaient le coeur des créatures du peuple et se transmettaient de descendance en descendance. Le problème est que tout passe. Tout passe. Et dans ces transitions, la lune aussi a ses faces cachées et influence inconsciemment tout l'univers qui l'entoure, comme vous et moi. Et bientôt, chacun fut en quête du héros de la comptine, de l'élu, du frère légendaire. Certains même s'auto-proclamèrent Elu et devinrent ensuite chef de tribu. Chez les végétaux, apparurent aussi les premières plantes carnivores et empoisonnées. Avant celà, ce qu'on nomme le hérisson n'avait pas de piquant. La nature entière chercha à se protéger de peur de la domination de l'autre ce qui finit évidement par se produire.

Ainsi, les Trois Enfants de la Déesse qui priaient autour du lac sacré firent appel à l'essence de leur personnalité qui leur avait permis de créer ce monde épatant. Après Morrigane Grand Maître de la mort, de l'obscurité et du recommencement, toute vêtue de noir à la chevelure d'argent; Cerrydwen, Grand Maître de la vie, de la lumière, de la magie et de la jeunesse, toute vêtue de bleu, à l'intuition de l'eau et à la chevelure d'ébène; Arianrhod, Grand Maître de la Terre, du feu de la création, de la vie et de la maturité, vinrent autour du lac bien d'autres enfants de la déesse, représentant chacune l'un des aspects de la lune.

Airmed, Blodeuwedd, Etain, Bonn, Nemain, et Aine complétèrent le cercle autour du lac et méditèrent auprès des trois premières infantes de la lunaire. Néanmoins, les batailles firent rage et les choses s'envenimèrent. C'est alors que les Trois Grands Maîtres s'écrièrent:



" Pour avoir douté de ce que la nature vous a donné,
Quand la Lune sera à son Apogée, vos dons vous seront retirés.
Lorsque seul votre ultime doute et votre redoutable avidité seront dissipés,
Alors le Grand Secret vous sera-t-il permis de percer
Et les Enfants de la Dixième Lune pourront s'éveiller. "

Les neufs enfants de la déesse divisèrent leurs corps et leurs âmes en dix parties. Objets inusables, végétal toujours vivace, plume magique, talisman, celà pouvait être de nombreux artefacts...

Pour les retrouver et les protéger, chaque tribu s'entraîna durement à conserver ses pouvoirs sur les éléments de la nature. Ainsi, chaque chef entreprit de se réunir régulièrement à un endroit précis afin de se rendre des comptes sur l'étendue des évènements. Cette opération, qui devint un cérémonie, s'accomplissait toujours de nuit et dans la plus haute discrétion. Peu de temps après sa création, les chefs nommèrent cette association, le CDDN, le Cercle des Druides Noirs, les Druides les plus puissants de leur tribu, à la recherche et à la maîtrise de l'Aubelune.

Car certes, si à présent ce continent se nomme Baldruk Suan, celà n'est nullement faute du hasard. Lorsque les êtres se sont questionné à travers ce psaume et sont partis à la recherche d'une réponse qui n'avait pas lieu d'être, ils ont donné vie à la question et donc, par conséquent, à la réponse. Pardonnez-moi si mon esprit est trop analytique: En donnant un intérêt au chant qui nourrissait la vie d'émotions, à cette prière, s'ils l'avaient vécu avec le coeur et non avec la pensée, sans l'analyser, ils ne l'auraient pas transformer en Réponse et ne serait donc pas en interrogation, à chercher l'élu. Mais en cherchant l'élu, ils ont créé un chaos tel qu'ils sont par conséquent en recherche de cet élu. Résultat, au lieu de demeurer dans l'unification, ce peuple s'est divisé. L'Aubelune n'est plus que Baldruk Suan, Baldruk, pour le Dragon, Dieu de la Terre, Gardien et Protecteur des Secrets de la Nature; et Suan, le Phoenix, Dieu du Ciel, Gardien et Protecteur du monde spirituel et de la source de vie. Source de vie est d'ailleurs devenue synonyme d'Aubelune, flamme intense de la Création.

Le rôle d'observateur et de conteur n'est pas aisé, comme je l'eus déjà précédemment dit dans nombreux de mes ouvrages, je vous prierais donc, chers lecteurs, si l'incompréhension vous surprend, de continuer à me lire, et de vous laissez porter sans vous interroger davantage.


Pour revenir à notre histoire, les descendants des fondateurs du Cercle des Druides Noirs suivirent leur cruel destin. Dans la peur de ne jamais percer le mystère, dans le doute de la résolution des tourments, dans l'appréhension, l'envie et la jalousie de l'autre naquit le désir. Un désir brûlant qui ne connaît aucune soif et qui entrave le respect de l'autre, de sa nature et de la nature fondamentale des choses. Le coeur des membres du Cercle des Druides Noirs hélas s'assombrit et une partie du monde sombra dans la tourmente.

Plus personne ne faisait confiance à personne et dès lors d'ores et déjà plus aucune relation n'était possible.

Il arriva malgré tout un jour où l'équivalent de ce que l'on avait appelé l'Elu durant tant d'années fit son apparition. Un jeune homme au teint lunaire, transparent, à la présence presque fantomatique et néanmoins en communion parfaite avec la nature qui l'entourait. Mais bien qu'on le prit pour l'Elu, son rôle, dans sa découverte de l'Aubelune, n'était pas de devenir Maître de l'univers et renverser le destin, le cours malsaint que suivait la vie de Baldruk Suan, mais au contraire, de saisir l'Enigme qui viendrait à bout des malheurs qui s'enchainaient davantage.

Bien des railleries furent émises contre lui à cette époque et nombreux furent les jaloux qui l'attaquèrent en traître. Mais jamais il ne faillit. Toujours fut-il léger comme l'air, eut-il la rage de la furie, l'intuition de l'eau, la puissance du feu, les mains de la mort, le regard de l'ombre, l'étincelle de la vie, l'épée de la lumière, la sagesse de la magie et l'âme de la terre.

La rumeur dit qu'aucun de ses attaquants ne survit. Ou ne survit sans séquelles psychiques singulièrement graves. Si bien qu'on l'appelle Sombrelune.

Ainsi, une forteresse fut bâtie autour du Lac Sacré dans le but de protéger le premier lieu où avaient foulés les pas des Enfants de la Déesse. On la nomma plus tard Val d'Orion. Chaque Druide Initié s'y présentait, recevait les coordonnées du Sanctuaire d'une Maison Lunaire et commençait ensuite son apprentissage.

Sombrelune est devenu le Général de l'élite veillant sur les biens des enfants de la déesse et n'agit ni pour la justice, ni pour le mal mais pour la survie de l'univers qui l'entoure et dont il est issu.

Sous son commandement s'est développé des castes, appartenant à chaque tribu dont le but ultime est de retrouver les dix incarnations des enfants de la déesse en attendant l'accomplissement de la résolution de l'Enigme. Car il ne suffit pas de la connaître, encore faut-il la résoudre. Maître Druide, Gardien et Maître Gardien la connaisse également, puisque le Général de l'Elite leur a transmis sa connaissance. Mais aucun d'eux n'est encore parvenu à la résoudre. Patiemment, les Gardiens transmettent leur savoir, formant les génération à venir dans l'humilité et l'unité. Ferez-vous partie de ceux qui perceront à jour les Secrets de l'Aubelune?


Voilà, ami. Autant de cris qui j’espère feront échos. Car je n’écris pas pour la gloire, mais pour être lue. Je ne dessine pas par vanité, mais pour être regardée. Je ne voyage pas pour me découvrir mais pour ouvrir. Et tout cela pour toi. Car nous sommes, toi et moi, comme le fil et l’aiguille, comme le contenant et le contenu, comme le réceptacle et le reçu. Sans moi, qui comblera tes moments de solitude ? Sans toi, qui donnerait un sens à ma vie ? De la route qui commence à celle qui finit, cette fiche est donc le fil conducteur qui nous relie.


Bientôt je me remettrais à courir pour que tu puisses continuer à marcher…